Témoignages

Témoignages

Par respect pour leurs auteurs, les témoignages sont reproduits ci-dessous sans aucune modification, en dehors d’une nécessaire remise en page pour les adapter à un site Internet.

Témoignage de Bernard NEWTON (1962)

« J’ai été de la promotion qui a inauguré l’E.N.M.M. du Havre, en 1961-62, en E.O.L.C. Nous étions alors, obligatoirement pensionnaires (c’est dur à 20 ans !!). Nous avons vu le FRANCE arriver au Havre pour sa dernière phase d’armement. J’avais déjà assisté à son lancement à Saint Nazaire, car, là aussi, j’avais inauguré l’ENMM de Nantes (on devait être les meilleurs !!!). Pour revenir au Havre, nous sortions en mer tous les 3 jeudis avec l’ASTROLABE qui était un petit sabot-école (il en avait la forme). Il était amarré au bassin Quinet et nous appareillions à marée haute, pour ne pas payer les droits d’ouverture de portes du sas. Si bien que nous ne pouvions pas aller plus loin que le bateau-feu d’entrée du chenal (Ce bateau-feu a été depuis remplacé par une bouée). Donc ce jour-là, nous sommes allés à la rencontre du FRANCE qui arrivait de Saint Nazaire et d’essais. Grosse fête. Il y a une photo aérienne où l’on voit le paquebot et l’Astrolabe tout à côté, j’y étais donc.

Quelques jours après l’arrivée du FRANCE au Havre, en 1962, Les huiles du gouvernement sont venues pour l’inauguration officielle du navire et de l’Ecole. C’est là que tout devient intéressant ! On nous avait tous réunis dans la grande cour de l’école, en rang, profs en grand U et nous en civil mais avec une casquette (!!). Dans notre EOLC (il y en avait 6), nous avions un prof de navigation, Georges P., appelé petit Georges. Dans la délégation ministérielle, il y avait le secrétaire à la Marine Marchande, Gilbert Granval qui quitte le premier ministre (Michel Debré) et fonce tout droit vers petit Georges et lui tend la main. Petit Georges se met au garde à vous, salue, mais laisse la main du Secrétaire en pendant : scandale !!

Le lendemain, petit Georges nous faisait cours de nav et au beau milieu du cours, entre le sous-directeur de l’école, et dit au prof : « Prenez vos affaires et suivez-moi ». On a tous compris ce qui se passait. Un de nos collègues a dit assez fort pour être entendu « ça ne paie pas d’avoir des c…! ». Le sous-directeur s’est retourné pour dire « Quoi ? ». Silence dans toute la classe ! On n’a jamais revu petit Georges. Nous sommes restés deux semaines sans prof de nav et nous avons enfin eu Bourbon (très bon prof). Au concours de sortie, nous n’avons quand même pas pâti de cet incident.

Voilà la vie des apprentis marins de l’époque. »

Bernard  NEWTON

Témoignage de Guy LANOË (1964 – 1965)

« Souvenirs d’un grand-mât de l’ENMM du Havre en 1964-1965

J’aurais dû faire cette année de CLC l’année précédente. Signe des temps, Delmas n’offrait plus de « bourse ». A la rentrée suivante, on m’offrait 600 F par mois ; reçu, totalisant plus de 60 mois de navigation, j’étais CLC aussitôt. Résultats des examens (Ouest-France) en main, l’administrateur des Affmar de Vannes, m’autorisait à remplacer le patron d’une vedette à passagers sur la ligne Port Navalo-Belle Ile ; rendant un fier service à l’armateur dont le patron venait de se blesser.

L’année scolaire : Au départ, devait être grand-mât un EOM (élève officier mécanicien). Pour je ne sais quelle raison, sans doute parce que le nouveau programme des études était en gestation, les CLC ont voulu quelqu’un de plus « sérieux » ; mon copain Hubert Rouaud a joué un rôle dans l’affaire ; j’étais partant.

Motion des élèves (source inconnue) Cliquez pour télécharger

Très vite, nous apprenions que, suite au rapport d’un certain Schwartz (sous réserve), certaines compagnies avaient accepté d’envoyer en formation des CLC et OMI (Officier Mécanicien de 1ère classe), en poste de capitaines ou chefs mécaniciens, avec obtention du double brevet à la clé. Le rapport en question aboutissait en effet à la polyvalence. Une première réforme avait abouti à faciliter l’admission des « filières B » de l’époque à la filière A, issue du concours d’entrée.

D’un côté, nous nous trouvions donc avec d’anciens capitaines Marine marchande qui allaient occuper tous les postes de la hiérarchie du bord. De l’autre, ces « vieux » collègues ne tenaient pas du tout à se voir déclasser dès la sortie de juillet 1965. Et aucun de nous, sur les bancs de l’école, n’acceptait davantage ce risque, sachant que le libre choix était du côté de l’armateur ; de sa politique des brevets ou du choix des prétendants au cours de reconversion…

Alors, le grand-mât était souvent reçu par le directeur, M. Hervieu ; la confiance régnait avec mon ancien prof de navigation-cosmographie de mes 2 années d’EMM et EOLC de Nantes ; mais il ne m’a jamais fait asseoir. Je ne sais si une grève des élèves a jamais eu lieu depuis mais le climat était parfois tendu. Nous ne voulions pas entraîner les jeunes élèves de l’école.

Ayant eu recours à nos syndicats, nous tenions à leur présence en maintes occasions ; par exemple au bal de l’école ; je ne sais plus trop pour quelle raison mais à cette occasion les deux administrateurs ont laissé leur chaise vide ; seul le directeur des Affmar représentait son administration.

Cette année très occupée m’avait donné le goût de vivre en ville et « à terre ». Un timide essai vers le pilotage n’eut pas de suite et j’ai fait une carrière complète, avec des équipages de toutes nationalités ou presque. J’ai adoré mon métier à partir de la fonction de second capitaine. »

Guy LANOÉ
Capitaine au long cours
Capitaine de Frégate de Réserve

Le « Tonus Hydro » (1966)

« Quant au « tonus hydro », c’est un bal qui avait lieu après le bizutage. Après être allé faire les cons en ville, un samedi au cours du 1er trimestre, le bureau des élèves louait une salle pour la soirée et c’était ouvert au public. Il y avait probablement un droit d’entrée, je ne me souviens plus mais c’était surtout des jeunes des autres écoles ou d’ailleurs qui venaient. J’ai vu cela à Nantes et au Havre. La coutume existait peut-être aussi dans les autres Hydros. Cela n’avait rien à voir avec le grand bal de l’hydro qui avait lieu en fin de 2ème trimestre pour lequel toutes les « huiles » étaient invitées. Ce Grand Bal se faisait dans toutes les Hydros de France. Il y avait un ou plusieurs orchestres et souvent des animateurs, célébrités des médias de l’époque pour chauffer la salle. Je me souviens qu’une année au Havre nous avions Roger Lanzac. C’était toujours le bureau des élèves qui gérait tout cela. »

Témoignage Jean-Pierre BOULET (1978 – 1979)

Jean-Pierre BOULET était instructeur technique à bord de l’ALIDADE

« Bonjour.

Voilà quelques souvenirs d’une journée à bord de l’Alidade.

Le matin à l’embarquement nous divisions la classe en deux groupes distincts : le premier allait le matin à la timonerie avec le bosco et le pacha pour les manœuvres et le pilotage du bateau. Le deuxième lui allait à la machine pour les différents apprentissages de bord.

Arrivée à 8h00. Mise en route des moteurs auxiliaires, de marque Baudouin, pour coupler ensuite les générateurs d’électricité afin d’être autonome durant la journée. Débrancher la liaison électrique à terre. Mise en chauffe du moteur principal à vitesse constante 800tr/min, Duvant, 4 temps, 6 cylindres en ligne, 800Cv et accouplement ligne d’arbre système Vulcain.

8h30 largage des amarres avec l’aide des lamaneurs, après une manœuvre de 180° cap à l’ouest. Passage du sas Quinette de Rochemond qui permettait d’accéder au port haute mer. Passage des digues 8h45, 9h00 cap la Côte Fleurie.

A la machine les apprentissages étaient très différents avec le chef mécanicien : Louis Poncelet.

– Surveillance du moteur principal
– Essais de consommation du moteur.
– Découverte des différents circuits : eau de mer pour le refroidissement, gas-oil.
– Exercice d’incendie dans un compartiment machine avec utilisation du matériel d’incendie : Fenzy.
– Exercice d’homme à la mer avec utilisation du Chadburn en liaison avec la passerelle.
– Entretien des groupes électrogènes.
– Entretien des moteurs auxiliaires.
– Entretien matériel périphériques : bols épurateurs d’huile ou de gas-oil.
– Usinage de pièces sur machines outils : tour, fraiseuse et perceuse.
– Possibilité de soudure avec poste oxy-acétylénique.

Navire école ALIDADE

Vers 12h00 on jetait la pioche au large de Cabourg ou Deauville ou Ouistreham. Déjeuner préparé par le chef cuistot et son second. Nous déjeunions au carré des officiers avec le Pacha. (Excellent repas avec de temps en temps un petit apéritif : ti-punch offert par le chef ou le Pacha).

Entre 13h30 et 14h00 remise en route du moteur principal. Remontée de la pioche et inversion des groupes. Cap le bateau feu puis le port du Havre.

16h00/16h30 arrivée au Quai de Cadix où nous attendaient les lamaneurs pour l’amarrage au quai.
– Extinction des feux pour le moteur principal.
– Branchement extérieur pour le courant électrique.
– Désacouplage des groupes puis extinction des moteurs auxiliaires.
– Rangement du compartiment machine et nettoyage.
– Retour dans les foyers pour les élèves en navette  direction l’école.

Il y avait des jours où ne pouvions sortir à cause du mauvais temps : nous procédions aux mêmes exercices sauf homme à la mer.

Voilà ce que je peux me rappeler de mon année passée à bord de ce navire école. D’excellents souvenirs et une petite larme quand je l’ai vu partir pour d’autres horizons.

Je voulais aussi parler avant, de finir, d’une personne qui m’a donné l’envie d’enseigner et qui a été mon mentor : Claude Leroyer. Il a su me motiver et surtout me débaucher de l’entreprise où je travaillais avant, Hispano Suiza et me donner ce goût à l’enseignement qui m’a permis de rejoindre l’Education Nationale où j’officie depuis 34 ans. Et puis il y avait aussi les collègues d’enseignement de l’Hydro au nombre de 4 dont je ne me souviens plus des noms.

Merci de me lire.

Cordialement

M. Boullet Jean-Pierre »